« Un requiem.
C’est en interprétant le Requiem de Mozart que l’Orchestre Haydn se révélait pour son premier concert, voici soixante ans à Bolzano.
Par-delà le référent religieux, qu’entendre d’un requiem ? Dans l’acte même d’accompagner dans la mort, s’orchestre la splendeur, projetée en défi d’immortalité. Captons ces vibrations. Elles sont d’hymne à la vie. Nos vies. Toutes vies. Dépassons les seules références de contexte et d’actualité, fussent-elles de profonde douleur.
Requiem (Siá Kará) naît au croisement de maintes rencontres, et déplacements. Pour Bolzano, le compositeur Matteo Franceschini (qui vit au-delà des frontières d’Italie…), a désiré épouser les puissances inentamées qui lui parviennent depuis le Requiem de Mozart. Son art est celui-ci. Non procéder à des réécritures de chefs d’œuvre de l’histoire de la musique. Mais les réentendre. Se transporter à l’appel de leur suggestion. Au-delà, dans un présent de devenirs. Electronique comprise. Son lien est intime avec l’œuvre de Mozart, fondation d’un héritage qui transpire de lui, tel un fleuve qui l’entraîne.
L’artiste musicien vit cela physiquement sur la scène de Requiem (Siá Kará). Cela se défait du texte liturgique, du chœur vocal, alors même qu’un chœur chorégraphique, une foule d’aujourd’hui, est ici convoquée. Leurs vies. Nos vies. Le chorégraphe franco-tunisien Radhouane El Meddeb (à l’oeuvre par-delà les frontières…) et le compositeur se sont rencontrés. El Meddeb déplace son art, au contact d’un autre continent. Demeurer singulier, tout en osant l’altérité.
Ici la danse a entendu l’appel des interprètes de MiCompañia, que dirige Susana Pous à La Habana, explorant des gestes neufs, par-delà les héritages. « Siá Kará » entend-on dans les rues de la capitale cubaine. « Arrête de te plaindre ». Allons de l’avant. Au quotidien cubain, un avenir se soulève, dans un passé disparaissant au présent. A ces artistes, le chorégraphe a adressé la musique renouvelée du Requiem, celle de Matteo Franceschini. Cela traverse leurs vies en danses, savantes et profondes. Orchestrer ces vibrations en corps à corps.
Le chorégraphe y convoque le rassemblement et le rite, quand le cycle de la vie forge de nouvelles pensées, des renaissances, l’invention d’autres rapports entre les hommes. Cet élan dans la suite et le débordement fait dialoguer les deux auteurs, le chorégraphe et le compositeur, de Requiem (Siá Kará).
Transporter. Rencontrer. Déplacer. Toucher.
Toujours préférer l’onde des transformations. »
Gérard Mayen, critique de danse
21 mars 2020