Cette pièce, initialement un projet de cabaret, a, au fil des répétitions et des événements politiques, évoluée vers plus de radicalité. J’ai été comme empêché d’aller vers la forme du cabaret pour célébrer ce monde disparu.
Les Arabes ont longtemps vécu sur des rythmes magiques, ceux des films des années 40, 50, 60 et 70… avec leur féérie, leur décor de carton-pâte et leur atmosphère toute faite de faux et de clinquant. Les acteurs chantaient sans cesse, dansaient, s’aimaient sur les grands écrans des nombreux cinémas, puis dans le cadre des télévisions des salons familiaux. Sans condamnation, sans prohibition, nous contemplions le monde brillant, laqué et fardé de ces demi-dieux de la comédie, nous suivions leurs drames et leurs émotions, nous fredonnions les chants qu’ils entonnaient.
La danse du ventre survenait, elle prenait sa place, en acmé du film ou du spectacle, comme en son centre. Le ventre et son nombril étaient le lieu où convergeaient nos regards fascinés.
Aujourd’hui que la nostalgie elle-même semble lointaine, alors que nous repensons à cet âge d’or, à ces années de gloire et de fausses blondeurs, la danse (des) arabe(s) apparaît comme l’épicentre de secousses à venir, le nombril semble vibrer et vriller, au bord du précipice, flirtant avec le chaos.
La violence de notre monde a pénétré le carton-pâte des décors, elle le renverse pour en signifier la fin, la fin d’un temps qui n’était qu’illusion, une illusion douce, sucrée, ronde.
Au temps où les Arabes dansaient… est l’écho lointain de ces chants et ces danses, pris dans la tendresse de l’espoir et du souvenir, dans la ferveur des cœurs et des corps. C’est aussi l’une des faces d’un présent cruel, terne et frappé de stupeur.
Radhouane El Meddeb