Un tatami bianco, quadrato posizionato sul palco e su di esso, agli angoli, sono già presenti i due performer, uno in piedi e l’altro seduto, con le spalle al pubblico. È così che ha inizio la coreografia Nos limites, nata dall’incontro di tre artisti: Radhouane El Meddeb, Matias Pilet e Alexandre Fournier.
Una coreografia che, nella sua danza astratta e circense, narra una storia, un rapporto, quello dei danzatori Matias Pilet e Alexandre Fournier con il trapezzista e volteggiatore di fama mondiale Fabrice Champion.
La presenza di quest’ultimo è evidente in scena, nonostante la sua assenza fisica: in seguito ad un incidente nel 2004 diviene paraplegico e inizia a costruire lo spettacolo Nos limites insieme ai due danzatori fino al 2011, l’anno della sua morte, ed è in questo momento che il coreografo El Meddeb li ha “raggiunti in quest’avventura”.
La coreografia è avvolta da un silenzio musicale, ma non corporeo: i due performer, infatti, fanno leva sulle loro braccia per spostarsi sullo spazio del tatami o sulle natiche, facendo stridere il loro corpo e i loro piedi con il tessuto, oppure effettuando salti e cadute al limite che rimbombano tra il pubblico.
Si susseguono momenti di pathos intenso espressi dal gioco di sguardi tra i due artisti, ma anche tra loro ed il pubblico. Sono sguardi di intesa, alcune volte di sfida e altre di gioco, perchè infondo il rapporto tra i due ruota intorno a più aspetti: si studiano, si avvicinano, si allontanano, si abbracciano e si prendono i giro.
Sul palco si racconta una storia di vita, ma anche la vita nella sua accezione generale, si raccontano i rapporti umani, a volte così complicati e belli allo stesso tempo.
I due performer eseguono tutti i movimenti senza l’utilizzo della gambe e acrobazie difficilissime con una tale nonchalance che il pubblico rimane immerso in quest’atmosfera fino alla caduta finale e allo spegnimento dell’ultima luce, applaudendo senza sosta.
A catturare il pubblico è anche e soprattutto il significato stesso della coreografia e la modalità superba con cui è trattato. Il tocco e la visione di El Medeb hanno dato risalto alla coreografia, poichè come afferma lui stesso adora “raccontare l’essere umano, le cose che non possiamo vedere e toccare…ho visto i movimento e ho aggiunto emozione, pensiero e amore”, e tutto ciò è emerso perfettamente.
Una performance, come afferma il titolo stesso, senza limiti.
Alessia Fortuna
Radhouane El Meddeb, Alexandre Fournier et Matias Pilet – Nos limites
TT On aime beaucoup
Cofondateur du collectif Les Arts Sauts, Fabrice Champion a quitté la piste terrestre en 2011. Alors tétraplégique, l’ancien voltigeur imaginait avec deux apprentis de l’Académie Fratellini une « tétracro » et une « tétradanse ». La création s’est poursuivie avec le chorégraphe Radhouane El Meddeb. Le résultat est un OVNI sobre et rugueux. Sur une scène blanche, sans aucun décor ni effets de lumière, en silence, les artistes unissent l’acrobatie, la danse au sol et le handicap. Puis c’est l’obscurité. Pour finir, Matias Pilet offre quelques merveilleuses minutes dansées, pleines de vie. Une renaissance.
Stéphanie Barioz
Matias Pilet et Alexandre Fournier ont inventé ce spectacle avec leur professeur de l’école du cirque, Fabrice Champion, ancien trapéziste devenu tétraplégique, et décédé en 2011. Radhouane El Meddeb ayant vu les répétitions qui suivirent au Centquatre, leur propose de les aider à poursuivre, sur le plan de la chorégraphie et de la dramaturgie, leur projet orphelin.
Et c’est ce spectacle à la fois émouvant et éprouvant (l’absence, les chutes, la gravité…) qui nous a été donné à ressentir ce samedi, au centre chorégraphique, invité par le théâtre de Caen et le festival Spring, festival régional des nouvelles formes de cirque (suite à une résidence à la Brèche, à Cherbourg-Octeville).
Un grand blond debout et un petit brun prostré, chacun dans son coin, puis après de longues secondes, le premier prend le figé dans ses bras et le fait tourner au son lointain d’une chanson de Billie Holliday, Yesterdays, qui raconte la douceur des jours passés (avant les accidents de la vie ?).
Ensuite, plus de musique pendant quarante minutes, que des bruits de déplacement des corps se traînant et s’entraînant sur le tatami, des chutes quand ils veulent s’abstraire de la gravité, dans des figures de trapézistes cloués au sol devenant figures d’antipodistes, très chorégraphiques, entre cirque, danse et mime.
Pour faire simple, le blond, fraternel, veut pousser le brun à s’efforcer à bouger, lui montrant les gestes possibles : comment se déplacer, comment s’élever, comment sauter et voltiger, puis abandonnant. Le noir se fait. Les spectateurs applaudissent.
Pourtant, le spectacle n’est pas fini, la musique du début reprend, amplifiée et augmentée par divers procédés de samplage et de réverbération. Elle propulse le danseur solitaire sur ses pieds et l’oblige à nous présenter un numéro de virevolte époustouflant, entre acrobatie et danse, souvent à la limite du hip-hop, toujours très proche du sol, pour se terminer par trois saltos arrière qui s’écrasent brutalement sur le tatami. La chute semble doublement dure. La chanson des jours enfuies s’est tue elle aussi.
Très beau spectacle, insolite et poignant, qui fait rire ou sourire parfois. La vidéo donne une petite idée, même si la musique en occupe toute la durée. Car il est important que le silence, plein de bruits et de frémissements, au sens de John Cage, y soit presque omniprésent, la voix douloureuse de Lady Day y résonnant plus fortement encore en ouverture et en final.
Alain Lambert
On n’a pas encore pris toute la mesure des implications insondables de la pièce Nos limites, composée par le chorégraphe Radhouane El Meddeb avec les circassiens Mathias Pilet et Alexandre Fournier. La communication et une installation visuelle attenante à la pièce stricto sensu portent à la connaissance des spectateurs les circonstances tragiques qui auront présidé à la conduite de ce projet artistique. Celui-ci ne gagne rien au fait d’être rabattu sur de telles justifications. Qu’importe.
Nos limites compose tout ce qui transcende une absence. Ses deux interprètes en scène sont de tailles très différentes. En quelque sorte, il manque à l’un un bout, pour être à la hauteur de l’autre. Mais alors comment dire, à travers ce manque, la portée du simple geste qui voit le plus grand des deux tenir l’autre bien serré contre lui dans ses bras, pieds suspendus ballant sans toucher sol ? Ce n’est rien. Mais ce porté, ce soutien, ce dépassement de la différence, très patients, bouleversent.
Le plus grand manque est alors celui que s’imposent les deux performeurs circassiens, en semblant renoncer le plus souvent à l’appui de leurs jambes, comme dévitalisées. Ainsi un dialogue s’abstrait et se suspend, se tenant comme d’emblée détaché du sol, niant en somme l’un des fondamentaux du cirque – qui consiste en l’acte même de s’arracher à la pesanteur – pour peupler l’espace d’une forme de vol, défiant ce qui est pourtant figure du handicap.
Au terme d’une souple suspension vertigineuse, en plateau porté sur un seul pied redressé, un noir se fait, brusque, puis sa suite de chutes mortelles, implacables. Alors suit une grande danse de danse. On ne sait ce qui flotte là, du chorégraphique ou du circassien, dans cette pièce où tout est sobre, épuré, vide de tapage. Si deux arts et deux sensibilités s’y sont rencontrés, il semble que pour une fois cela ne se fasse pas par rajout, mais par le dialogue distancé d’une forme d’absence. Un projet de l’art se consume dans une légèreté, à jamais. Transcendant. Ben oui.
Gérard Mayen