« (…) Montpellier Danse accueille plusieurs chorégraphes issus du pourtour méditerranéen. « Aux marges de l’Europe », Nacera Belaza, Radhouane El Meddeb, Aydin Teker, Filiz Sizanli et Mustafa Kaplan conduisent l’électricité d’enjeux contemporains. (…)
Radhouane El Meddeb, issu du Maghreb, recherche un geste dansé qui n’ignorerait pas la dimension sacrée : il place son corps en tension d’une production nouvelle de spiritualité incarnée, par-delà le divorce généralement considéré à cet endroit consommé, mais où la danse souvent résiste. La réception de ces démarches doit toujours se faire moins selon la question : « D’où viens-tu ? », que, au contraire, suivant celle-ci : « Vers où voulons-nous, ou pourrions-nous aller ? » (…) déplacement d’intériorités (…)
Dans sa nouvelle pièce, Hûwà, il chorégraphie pour Lucas Hamza Manganelli. S’il a choisi cet artiste français, c’est en raison de sa familiarité avec la culture arabo-musulmane. El Meddeb se retire ainsi du plateau, posant, qui sait, la distance inquiète d’un nouveau mouvement de révélation. Dans sa vie, il a vécu des périodes de foi intense. Il veut en exhumer la trace corporelle : « Ce type d’intériorité, qui a lien avec l’état de grâce, l’extase, l’aspiration au divin, n’est pas du tout statique, c’est le corps qui la porte. » En la proscrivant, la religion musulmane n’octroie à l’artiste aucune représentation patrimoniale, plastique notamment, de ses mystères. Aussi le renvoie-t-elle plus radicalement au défi de percevoir l’inconnu, le caché, dans un geste suspendu au bord d’espaces indéfinis, où peut se profiler la perte entre le plus troublant intime et l’intimidation du plus lointain, et supérieur. Confiance est faite au corps pour qu’il entraperçoive ce qui peut se voir.
Ainsi des chorégraphes contemporains maghrébins en appellent-ils à une conscience complexe de l’incarnation du Verbe et de l’inscription corporelle de la croyance. Ils passent outre la dichotomie simpliste qui sépare chair et spiritualité. Tel Radhouane El Meddeb, ils se situent à un point d’orgue de la séparation – Hûwà se traduit par « Ce Lui », désignation en deux mots, et à la troisième personne, mais à côté d’un soi premier, D’un MOI avec lequel en finir. »
Gérard Mayen, Pièces d’identités
Radhouane El Meddeb, a Tunisian-born actor and choreographer, contributed two solos to the festival. “Huwa,” a new work, provided possibly the most testing 15 minutes of the festival in the form of a naked man (Lucas Hamza Manganelli) standing absolutely still, looking directly at the audience. Eventually he did begin to move, walking, then zigzagging across the stage, kneeling, reaching up ecstatically and whirling with windmilling arms to an overlapping burble of chanting male voices and soft piano music, by Dhafer Youssef.
By the end of the hourlong solo, Mr. Manganelli’s compelling performance (which includes a masturbation scene reminiscent of Nijinksy’s “Afternoon of a Faun”) has evoked an inner journey that explores what it is to be a man, to be confined by one’s body and to reach beyond it toward a state of divine grace. Mr. El Meddeb does not achieve the same heights in “Pour en Finir Avec Moi,” during which he performs simple, spare movements (walking, pointing, crouching) to intermittent music by Arvo Pärt (“Fur Alina” and “Spiegel Im Spiegel”). But his work has an integrity and a theatrical pacing that makes for absorbing viewing.
Roslyn Sulcas
Montpellier Danse Festival Goes Beyond Tolerance, Trying to Unite French and Arab Cultur
« (…) Radhouane El Meddeb a encore des choses à dire, sa nouvelle pièce Hûwà, est une manière de revivre avec un autre. L’idée du solo vient de Jean-Pierre Montanari, directeur du festival, spécialement pour cette session de « Montpellier danse » qui se rapporte à la Méditerranée, bassin des religions. C’est un travail sur ce rapport au rite sans le côté folklorique, sur l’état du corps du croyant, sur cet état de grâce, sur l’abandon, la fièvre du croyant, le rythme de la lecture et de la récitation. (…)
Hûwà est un rapport affectif au divin, une traversée solitaire de l’ordre intime pour comprendre les choses de l’invisible et de la force de la conviction. C’est un processus physique qui passe par le corps d’abord. (…)
Hûwà serait-elle une pièce qui répondrait aussi à cet état du sacré devenu hélas, synonyme de violence alors qu’à la base, c’est un état de grâce. (…)
Avec Hûwà, Radhouane El Meddeb revendique ce statut de chorégraphe et échappe à son premier solo pour repousser les limites du corps. Il commence une narration avec le mouvement et touche du bout des doigts quelque chose d’absolu. »
Asma Drissi,
Les voix de la création sont impénétrables